( de janvier à décembre )
Faut-il aider
les bourreaux des canards ?
En janvier 2016, le gouvernement français a débloqué la somme de 130 millions d'euros en faveur des éleveurs de palmipèdes dont la chair est consommée notamment sous forme de foie gras. Cette aide survient suite aux mesures prises par le gouvernement pour faire face à l'épizootie de grippe aviaire.
Le foie gras s'obtient en imposant aux canards, en général immobilisés dans des cages, une suralimentation par le biais d'un tuyau de 20 à 30 centimètres de long enfoncé de la gorge à l'estomac de l'oiseau. Le poids du foie est ainsi multiplié par dix environ et l'oiseau devient évidemment malade : "lésions et douleurs dans la gorge, stress, choc traumatique, diarrhées, halètements. La déformation du foie hypertrophié…, rend la respiration et les déplacements difficiles car les sacs pulmonaires de l'animal sont compressés par un organe qui écrase ce qui l'entoure, et son centre de gravité est déplacé…" (Jeangène Vilmer p.179 s.).
Ce procédé cruel et violent vise en général à fournir aux consommateurs insouciants de quoi entretenir leur obésité et les maladies associées. Cependant, de nombreux pays indignés ont interdit le gavage des canards par exemple "… l'Allemagne, le Luxembourg, la Norvège, la Suède, la Finlande, le Danemark, la République tchèque, les Pays-Bas, la Pologne, la Suisse, le Royaume-Uni, l'Italie, l'Autriche, la Turquie et Israël." (id). La Californie a interdit la fabrication et la consommation de foie gras, et de grandes entreprises internationales se sont engagées à ne pas le commercialiser, telles Marks and Spencer, Sainsbury's, Tescos…
En France, au nom du patrimoine culturel et gastronomique "protégé" donnant sournoisement des habits présentables à cette cruelle tradition, on continue de faire croire aux consommateurs bien trop crédules que le bien-être animal est respecté et que, selon la formule consacrée, les éleveurs aiment bien leurs bêtes…
Tous les contribuables appelés en renfort pour aider cette filière martyrisant des palmipèdes s'interrogeront sur l'opportunité d'une telle aide. Certes, chacun est bien conscient que les éleveurs s'inscrivent souvent dans une longue tradition familiale ou régionale soutenue par l'intérêt économique et en plus bénéficiant de la caution des plus hautes autorités de l'Etat.
Alors pour mettre fin à la maltraitance des canards, de nombreux contribuables seraient heureux d'aider les éleveurs, mais évidemment pas pour continuer à martyriser les oiseaux. L'aide devrait servir à leur reconversion dans une autre activité épargnant les animaux.
L'Etat doit interdire le gavage et aider à la reconversion professionnelle des agents de cette filière. L'homme y gagnerait en dignité, la France en prestige international et les oiseaux en qualité de vie.
(Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Ethique animale, PUF 2008.)
L'abattoir, honte de l'humanité
Le 23 février 2016 un abattoir du Gard certifié en bio a été fermé suite à la diffusion sur Internet par l'association L 214 d'une vidéo filmée clandestinement montrant des actes de cruauté sur des animaux. Cette affaire fait suite à la fermeture provisoire quatre mois plus tôt de l'abattoir d'Alès pour les mêmes raisons.
L'abattage des animaux a toujours fait débat au sein de la société soit à l'initiative de végétariens respectueux de la vie sur terre soit à l'initiative de carnivores indignés par la violence et le sadisme manifestés à cette occasion. En conséquence, il fut décidé au début du XIXe siècle de cacher le meurtre des animaux dans des enceintes bien closes appelées abattoirs. La puissance publique invoqua des raisons d'hygiène et de salubrité publique, la nécessité de ne pas banaliser une violence extrême aux yeux de la population, et la profonde répulsion éprouvée par la majorité des témoins aux spectacles d'animaux pourtant inoffensifs pour l'homme se faisant éclater la tête à coup de massue.
Bien que caché aux yeux du public, le massacre d'animaux aussi beaux qu'inoffensifs (environ un milliard par an en France) s'est vu appliqué au fil du temps à la demande des défenseurs de la cause animale, une réglementation visant à tenir compte du bien-être animal. Les deux dernières interventions de l'association L 214 semble montrer que l'Etat n'est apparemment pas très vigilant sur l'application de cette réglementation. Il semblerait que la simple lecture du droit positif ne donne pas une idée juste de la réalité des sévices subis par les animaux tout au long du processus d'élevage pour la boucherie. La faible part du phénomène rendue visible sporadiquement grâce à l'initiative des défenseurs des animaux, laisse entrevoir l'ampleur de la part cachée de la maltraitance.
En fait les politiques sont souvent indifférents à la cause animale qui leur semble moins rentable politiquement pour leur élection que par exemple la défense de l'abattage rituel (supplice inutile infligé à la demande de religieux rétrogrades pour satisfaire des déités aussi cruelles qu'imaginaires et consistant à abattre les animaux sans étourdissement préalable) ou de la torture en public de bovins pour distraire des spectateurs bien insouciants (corrida).
Il leur suffira en général de dévaloriser le respect porté aux animaux en le qualifiant de "sensiblerie". Or la sensiblerie est un sentiment noble invitant à ne pas faire de mal aux êtres vivants, sentiment partagé par d'autres mammifères, notamment parmi les animaux végétariens que l'homme massacre en grand nombre dans ses abattoirs.
Singulièrement, l'idée selon laquelle les animaux de boucherie seraient dispensés des règles protectrices du bien-être animal "puisque de toute façon ils seront tués" est parfois évoquée. Mais de façon fort légitime, la part de belle vie passée avant l'issue fatale est toujours cela de pris au destin, au même titre d'ailleurs que pour tout être vivant.
En général, les consommateurs de viande ne veulent surtout pas savoir ce qui s'est passé entre la prairie et la présence du morceau de cadavre cuisiné dans leur assiette. Chacun devine bien la perte d'appétit qui pourrait en résulter, assortie de la culpabilité obsédante d'avoir participé au processus du supplice infâme infligé aux animaux pour lesquels l'être humain éprouve d'emblée plutôt de la sympathie et de la compassion.
Il est heureux que l'association L 214 participe pleinement à conduire l'humanité sur le droit chemin de la dignité humaine et du respect de toutes les créatures de la terre.
* Sur l'abattage, voir Florence Burgat, L'Animal dans les pratiques de consommation, PUF, 1995. Ouvrage accessible gratuitement en version numérique sur le site : sites.google.com/site/florenceburgat/publications
La crainte rationnelle
du nucléaire
Le 2 mars 2016 la ville et le canton de Genève ont déposé une plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui et pollution des eaux" visant le site nucléaire de Bugey dans l'Ain (Le Monde 7/3/16). Suite à l'accident de Fukushima en 2011, la Suisse a renoncé à la construction de trois nouvelles centrales.
Dans le même temps, la ministre allemande de l'environnement a demandé la fermeture de la plus ancienne centrale française encore en activité à Fessenheim tandis que Les Verts allemands ont demandé à leur gouvernement de négocier avec la France la fermeture de la centrale de Cattenom en Moselle qui leur paraît elle aussi dangereuse. Suite à l'accident de Fukushima, l'Allemagne a sagement programmé l'arrêt de toutes ses centrales nucléaires à l'horizon 2022.
Le Luxembourg a lui aussi fait part de ses inquiétudes concernant la centrale de Cattenom qui n'aurait pas fait l'objet d'une mise aux normes de sécurité européennes.
Les pays voisins de la France se joignent donc au concert de contestation du parc nucléaire français par des associations antinucléaires françaises, notamment contre l'EPR en construction à Flamanville dans la Manche et contre le projet d'enfouissement de déchets hautement radioactifs à Bure dans la Meuse.
Le nucléaire civil, issu du nucléaire militaire dont le choix a été dépourvu de larges débats contradictoires au sein de la société, en a longtemps subi la même contrainte. Or aujourd'hui le nucléaire militaire est de plus en plus remis en cause y compris par des militaires qui soulignent le déséquilibre de la balance avantages/risques tandis que la confiance dans le nucléaire civil a été fortement ébranlée par les deux accidents majeurs survenus à Tchernobyl en Ukraine au printemps 1986 et à Fukushima au Japon en 2011.
Chacun a alors pu mesurer l'ampleur des dégâts causés sur le long terme par ces deux accidents tragiques en seulement un demi siècle d'existence de ces monstres technologiques. La planète peut-elle supporter d'autres accidents de ce type alors que les plus hautes instances de la sûreté nucléaire conviennent prudemment qu'un accident majeur est aussi possible en France ?
Il est clair qu'aujourd'hui les ingénieurs ne maitrisent pas la totalité du processus de gestion de l'énergie nucléaire, notamment en terme de gestion des déchets issus du fonctionnement des centrales ou du démantèlement des centrales arrivées en fin de vie. Déplacer et cacher sous le tapis les déchets hautement radioactifs en espérant que les générations futures trouveront les moyens techniques de gérer au mieux ceux-ci sans danger pour la santé des habitants vivants plus ou moins loin des sites d'enfouissement et des ruines industrielles des centrales n'est pas une attitude responsable à l'égard des nouvelles générations.
A la lumière des conditions de vie dans les zones plus ou moins éloignées de Tchernobyl ou de Fukushima et du risque raisonnable d'accident majeur, la filière nucléaire devrait être remplacée par d'autres choix technologiques moins dangereux.
Auparavant en France, le plus grand danger que la collectivité pouvait redouter provenait de l'autre côté des frontières sous la forme de conflits armés. Aujourd'hui, le plus grand danger que puisse redouter la collectivité française est tapi à l'intérieur même de ses frontières et réside dans le maillage étroit du territoire national par des centrales nucléaires. Que ce soit le fruit d'un cataclysme naturel, d'un conflit armé, d'un acte de malveillance, d'une mauvaise gestion des sites ou d'une défaillance technique, ce risque permanent plane sur la santé de chaque citoyen et de ses descendants.
C'est la raison pour laquelle il convient de soumettre à référendum la sortie du nucléaire en France. Vivre en permanence avec un dosimètre et la hantise de développer des maladies mortelles radio-induites comme dans les zones plus ou moins éloignées de Tchernobyl ou de Fukushima, n'est pas vraiment le mode de vie que chacun souhaite imposer à sa descendance.
Et tout ceux qui en cas d'accident majeur choisiront par précaution d'émigrer afin de préserver l'avenir sanitaire de leurs enfants penseront alors rétrospectivement à leur attitude vis-à-vis des réfugiés syriens et irakiens fuyant un indescriptible chaos sur lequel ces derniers ne peuvent manifestement avoir aucune influence déterminante.
Référendum aux Pays-Bas :
une offense à l'élite ?
Le 6 avril 2016 l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine a été rejeté par plus de 60% des votants lors d'un référendum d'initiative populaire. Cet accord d'association déjà signé par le gouvernement néerlandais et adopté par les parlements nationaux des 27 autres Etats et par le parlement européen se trouve donc fragilisé.
Certes, ce référendum n'a que valeur consultative mais le gouvernement néerlandais peut difficilement ne pas tenir compte du résultat. Il lui appartient donc de rechercher les accommodements nécessaires permettant de ne pas bloquer de manière définitive la mise en œuvre de cet accord.
La procédure démocratique utilisée pour contrecarrer la volonté des élites nationales et européenne appelle un certain nombre d'observations :
Il s'agit d'abord d'un référendum d'initiative populaire qui nécessitait le recueil de 300 000 signatures au moins pour l'organisation de la consultation (480 000 signatures obtenues). Ce type de référendum est une procédure clé de la démocratie sous réserve qu'il soit décisionnel et non seulement consultatif. Celui-ci laisse au peuple déclaré souverain une part légitime de décision dans la gestion des affaires. A défaut, le peuple est totalement dépossédé de son pouvoir de décision grâce à la fable de la représentation. Il ne peut que désigner tous les cinq ans environ ceux qui décideront à sa place.
Cette procédure nécessitait néanmoins une participation minimum de 30% des inscrits pour être valide. Le gouvernement a invité les citoyens à se déplacer pour voter et la participation a légèrement dépassé ce seuil. L'existence d'un seuil est regrettable car elle permet des manipulations par les gouvernements, notamment en invitant à ne pas participer (cas du référendum abrogatif du 17 avril en Italie relatif aux forages gaziers et pétroliers organisé à l'initiative de régions mais dont la participation ne passe pas la barre impérative de 50% des inscrits).
Pour résoudre ce problème, il suffit de rendre obligatoire la participation aux référendums (pouvoir de décision du peuple) tout en laissant facultative la participation aux élections (simple invitation pressante adressée au peuple à se démettre en totalité de son pouvoir souverain ce dont à l'expérience il devrait se méfier).
En toute hypothèse, chacun remarquera que l'élite s'empresse en général de souligner la "désaffection" du peuple à l'égard de la procédure référendaire lors d'une participation de 30% alors que la même élite ne souligne jamais la désaffection des parlementaires pour le vote de la loi quand un fort absentéisme conduit à ce qu'une poignée de parlementaires participent aux votes (généralement entre 5 et 20% ?).
La procédure du référendum peut aussi être accusée de ne pas obtenir une réponse à la question posée mais de signifier seulement un acte de défiance à l'égard du pouvoir en place. Cependant cette critique est vidée de sa substance dès lors qu'existe une procédure de révocation des élus. Ainsi le peuple n'a plus à répondre à côté de la question posée au référendum s'il peut par ailleurs librement engager à tout moment une procédure de révocation contre les élus qui ne lui conviennent plus.
Enfin il sera souvent reproché au peuple lors de telles procédures de ne même pas avoir lu le document soumis à approbation (traité de 323 pages dans le cas du référendum néerlandais). Mais curieusement, cette critique n'est jamais adressée aux parlementaires qui souvent se contente de voter dans le sens indiqué par leur groupe politique.
En réalité, ce qui dérange l'élite réside dans le fait que les gouvernés ne suivent pas les prescriptions des gouvernants. A ses yeux, un bon référendum est un référendum où les citoyens suivent docilement ses prescriptions impératives. A défaut, le peuple est vite accusé de populisme. Peuple, populace, populisme. Rien de très positif aux yeux de l'élite dans cette trilogie, tout comme dans le qualificatif "populaire". Nostalgique de l'aristocratie, l'élite préfère l'entre-soi que lui assure la démocratie dite représentative.
Il est temps pour le peuple français d'exiger une véritable démocratie par la mise en place du référendum d'initiative populaire, législatif ou constitutionnel et du référendum révocatoire des élus en décalage avec la volonté générale.
La population prise en otage
par
des syndicats violents
Le mois de mai 2016 a vu se développer une série de grèves à l'initiative de syndicats (environ 10% du total des salariés sont syndiqués) mécontents du projet de loi débattu au parlement sur le droit du travail ou défendant des intérêts catégoriels. Certes, la défense des intérêts des travailleurs par leurs organisations professionnelles est une noble mission car dans le monde du travail celui qui ne demande rien ne voit pas en général sa condition s'améliorer. Mais les moyens utilisés peuvent être particulièrement vils quand ils conduisent par la violence à entraver la liberté de circulation de la population qui se retrouve immobilisée et au final prise en otage par une poignée de militants syndicaux habillant sans vergogne leur atteinte illégale aux libertés derrière des justifications fallacieuses.
Quand des gouvernés éprouvent du ressentiment à l'égard des gouvernants, ils témoignent manifestement d'une grande sottise en s'en prenant aux autres gouvernés plutôt qu'aux gouvernants. Si des syndicats ont des comptes à régler avec les gouvernants, ils feraient preuve de moins de veulerie en allant bloquer les accès au parlement et aux ministères plutôt qu'en gâchant la vie des citoyens souvent excédés par les outrances comportementales récurrentes d'une minorité violente.
Que ce soit la privation de carburant par le blocage illégal des dépôts, l'atteinte à la liberté de circuler sur les voies routières par des barrages tout aussi illégaux de camionneurs ou de syndicalistes, la limitation du transport aérien ou ferroviaire par des agents publics plutôt bien traités avec l'argent des contribuables, chacun mesure bien la disproportion des moyens utilisés par rapport aux buts recherchés.
Vouloir paralyser un pays en portant un préjudice énorme à sa population et à ses acteurs économiques parce que des gouvernés sont mécontents des gouvernants montre à quel point le système de la représentation politique souffre d'un vice rédhibitoire. La démocratie dite représentative est une démocratie factice. Dès que les gouvernés ont élu leurs soi disant représentants, il ne leur reste plus qu'à descendre dans la rue lorsque la volonté des gouvernants et celle des gouvernés semblent ne plus coïncider. Quelle humiliation pour le peuple souverain d'en être réduit au carnaval syndical avec marches, slogans bien appris, sifflets et sonorisation des cortèges quand ce n'est pas pour les plus violents à casser du mobilier urbain ou des biens privés. Le peuple humilié et muselé s'en prend à lui-même devant des gouvernants impassibles préférant ces soubresauts sporadiques de la démocratie dite représentative plutôt qu'une vraie démocratie les privant de leur pouvoir de décision sur les affaires du pays.
En effet les électeurs sont bien naïfs de remettre pour cinq années la totalité de leur pouvoir de décision à de pseudo représentants, sans disposer des moyens de donner des indications claires et précises aux gouvernants, sans disposer des moyens juridiques d'annuler leurs décisions et sans disposer des moyens juridiques de révoquer leurs élus.
C'est pourquoi les citoyens doivent avant tout exiger la mise en place du référendum d'initiative populaire en matière législative ou constitutionnelle, du référendum abrogatif de lois votées par le parlement et du référendum révocatoire de leurs élus qui ne leur conviennent plus. Ces procédés démocratiques permettraient l'éclosion d'une démocratie apaisée où les conflits ne se règleraient plus dans la rue par la rage et la violence mais dans les urnes par la sérénité et le respect d'autrui.
Bloquer un pays et gâcher la vie de millions de gens parce que les institutions politiques font preuve d'un déficit flagrant de démocratie n'est pas très glorieux et n'engage pas sur la voie des réformes nécessaires. Il convient d'abord de régler le fond du problème : la spoliation du peuple de la totalité de son pouvoir souverain par le biais de la représentation.
Le premier problème de la France ce n'est pas la hiérarchie des normes en droit du travail mais l'incapacité institutionnelle de la majorité des citoyens à faire prévaloir pacifiquement leur point de vue par les urnes.
Naturellement, les syndicalistes issus du même système de la représentation que les gouvernants seront comme eux opposés à la restitution au peuple souverain d'une partie essentielle de son pouvoir de décision.
Pourtant, il convient par exemple de demander aux citoyens s'ils sont favorables à la primauté des accords d'entreprise sur les accords de branche. Et la démocratie à l'échelon nationale doit aussi se compléter par la démocratie à l'échelon de l'entreprise. Il appartient par exemple à l'ensemble des salariés de chaque entreprise de décider par un référendum à leur initiative s'ils acceptent le principe du travail dominical sur la base du volontariat. Ce n'est pas à une poignée de syndicalistes de décider à leur place. Il en est de même pour décider d'une grève portant préjudice à l'entreprise alors que celle-ci n'a aucune responsabilité dans le motif même de la grève.
Référendum d'initiative populaire en Suisse :
le triomphe de la démocratie
Le 5 juin 2016, les citoyens Suisses ont voté au niveau fédéral sur une initiative populaire invitant à instaurer un revenu universel c'est-à-dire un revenu de base pour chaque citoyen sans tenir compte de ses revenus. A 76,9% des voix, les citoyens suisses se sont opposés à cette mesure avec un taux de participation de 46,4% des inscrits (très largement supérieur au taux de participation moyen des parlementaires français au vote des lois). Une fois de plus les citoyens montrent leur maturité en valorisant le travail et le mérite individuel. L'argent public doit faire l'objet d'une redistribution ciblée en fonction des inégalités et des difficultés propres de chacun. Et contrairement à une médisance largement répandue parmi l'élite française, la mise en œuvre du mécanisme démocratique de l'initiative populaire en France, au niveau législatif et constitutionnel, ne conduirait pas à l'adoption d'un référendum sur "le vin et le camembert gratuits pour tout le monde " !
Dans le même mois, le jeudi 23 juin, le gouvernement britannique a organisé un référendum sur la sortie de l'Union européenne. Malgré les prises de position favorables à l'Union européenne du chef du gouvernement (en contradiction avec certains membres de son gouvernement ou de son parti) les Britanniques ont voté pour la sortie de l'Union européenne à 51,9% des voix avec un taux de participation de 71,8% des inscrits.
En voulant faire taire les voix dissidentes de son propre parti excédées par la prolifération des réglementations de Bruxelles et alors que rien ne l'obligeait à organiser un référendum sur un tel sujet, le premier ministre a plongé son pays dans les turbulences politiques et économiques. Et rien ne permet de discerner quelle est la part réelle des voix contre l'Union européenne et celle contre le gouvernement de David Cameron.
Dans ces conditions, mieux vaut comme en Suisse retirer à l'exécutif l'initiative des référendums et la laisser essentiellement au peuple, sauf si le peuple dispose à tout moment d'un droit de révocation de ses gouvernants, ce qui permet de ne pas mélanger le ressentiment des électeurs à l'égard du gouvernement et le sujet particulier faisant l'objet du référendum.
Et si les Britanniques avaient disposé de la procédure du référendum d'initiative populaire, ils auraient pu manifester leurs désaccords sur certains points de la politique de l'Union sans devoir en sortir pour exprimer leur mécontentement. Tel doit être le sens de l'évolution des institutions européennes qui de jouets entre les mains des élites stigmatisant sans arrêt de soi-disant "populismes" contrariant surtout leurs intérêts et ceux de leurs alliés doivent devenir des institutions véritablement démocratiques respectant les contraintes indispensables de la démocratie directe. Ce n'est pas le gadget humiliant pour les citoyens de l'Union du droit de pétition accordé par le Traité de Lisbonne qui réussira à convaincre les peuples de l'Union du caractère réellement démocratique des institutions européennes.
Et le 26 juin 2016, le gouvernement français a organisé un référendum consultatif dans le département de la Loire-Atlantique sur le transfert de l'aéroport de Nantes-Atlantique vers la commune de Notre-Dame-des-Landes. Avec un taux de participation de 51,08% des inscrits, 55,17% des voix se sont prononcées en faveur du projet gouvernemental.
Ce projet qui traîne depuis quarante ans environ souligne surtout l'impéritie des gouvernements successifs à faire aboutir des projets soi-disant indispensables au développement économique, sauf à penser que les dirigeants eux-mêmes ne sont pas réellement convaincus de l'utilité de ce projet particulier.
Le choix de référendums locaux à l'initiative de l'Etat pose nécessairement le problème du périmètre du référendum, choisi en la circonstance à dessein par l'Etat au niveau du département. Il aurait été plus logique de demander aux habitants des communes directement concernées par les nuisances du futur aéroport de se prononcer de façon décisionnelle sur ce transfert. En toute logique, les habitants de la grande majorité de ces communes se sont prononcés massivement le 26 juin contre le projet d'aéroport (Le Monde 28/6/16).
Il apparaît finalement que l'instrumentalisation des référendums par les exécutifs nationaux n'aboutit pas toujours à des résultats d'une grande lisibilité. C'est la raison pour laquelle il convient de rendre aux citoyens une part d'initiative en matière de référendums décisionnels, initiative hélas aujourd'hui confisquée par le système de la démocratie dite représentative.
OTAN :
de la guerre froide
à la querelle de collégiens
Le 8 juillet 2016 s'est tenu à Varsovie le sommet de l'Alliance Atlantique (OTAN). L'Etat hôte, la Pologne et ses voisins les Etats baltes agitent périodiquement l'épouvantail de la menace russe, en raison notamment de leur proximité avec la Russie. Le gouvernement polonais n'est certes pas mécontent de trouver un thème de diversion extérieur face à ses difficultés intérieures notamment dans son conflit avec le Tribunal constitutionnel.
Et l'OTAN, alliance militaire née en 1949 par crainte de l'Union soviétique qui en réaction met en place en 1955 le Pacte de Varsovie, n'est pas mécontente non plus de trouver des raisons de survivre à l'effondrement du bloc soviétique au début des années 1990. Pour survivre et continuer d'offrir à ses nombreux chefs les délices du pouvoir, l'OTAN a besoin d'un "diable" à sa mesure. Or le seul capable de rivaliser grâce à un arsenal nucléaire démesuré est naturellement la Russie, héritière militaire de l'ex Union soviétique. Et l'invasion de l'Irak en 2003 par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne a bien montré comment un "diable" se fabriquait, notamment par la dénonciation d'armes et de volonté agressive tout à fait imaginaires.
En ce qui concerne la Russie, la diabolisation se construit essentiellement sur le dossier ukrainien. Ancienne composante de l'Union soviétique jusqu'en 1991, l'Ukraine a connu des troubles politiques en 2013 ayant conduit au renversement du président Ianoukovitch, démocratiquement élu en 2010. Ces troubles ont été grandement attisés par les Occidentaux cherchant à faire basculer prématurément l'Ukraine dans leur sphère d'influence au détriment des liens historiques unissant l'Ukraine et la Russie. Il fallait alors dans une vision à courte vue s'extasier sur "le Maidan", du nom de la place de Kiev où se réunissaient les contestataires, et accessoirement sur les "Femen" agrémentant le paysage urbain de leur poitrine dénudée.
Naturellement, la Russie se remettant lentement de l'effondrement de l'Union soviétique en 1991 n'a pas manqué de réagir, ce qui a abouti en 2014 et de façon tout à fait inespérée pour la Russie à l'annexion de la Crimée en grande partie russophone, et aux volontés séparatistes des régions industrielles du Donbass contigües de la Russie. L'annexion de la Crimée est un point majeur du conflit OTAN/Russie alors que le problème de la quasi annexion d'une partie de Chypre en 1974 par la Turquie membre de l'OTAN n'a toujours pas été résolu.
De toute évidence, il appartenait aux Ukrainiens de décider librement de leur destin sans que les Occidentaux ne viennent leur faire miroiter des lendemains enchanteurs et irréalistes. Aujourd'hui, la conscription pour tenter de mettre fin au conflit du Donbass concerne seulement les jeunes Ukrainiens et non pas les Occidentaux qui sont allés jeter de l'huile sur le feu à Kiev. Et dans une immense sagesse, environ 50% des jeunes appelés ukrainiens ne répondent pas à l'appel et de nombreux militaires désertent parce qu'ils n'ont pas envie de mourir stupidement dans des tranchées gelées pour enrichir des politiciens corrompus ou pour faire plaisir à des Occidentaux russophobes et irresponsables.
En conséquence, la création par l'OTAN d'une force d'intervention de 4 000 hommes environ (dont 150 Français !) relève de la gesticulation politique aussi inutile que coûteuse pour les contribuables de tous les pays membres de l'Alliance.
Le sommet OTAN/Russie du 13 juillet 2016 a souligné néanmoins que le dialogue n'était pas rompu sur ce conflit qui sans intervention intempestive des Occidentaux n'aurait pas pris de tels contours. Au final, la Russie aura définitivement récupéré à bon compte la Crimée et n'aura plus de loyers à payer pour sa base navale de Sébastopol tandis que les sanctions de l'Union européenne se déliteront au fil du temps pour satisfaire les intérêts commerciaux de toutes les parties.
Jeux Olympiques 2016 :
des médailles d'or pour les chevaux
Lors des Jeux Olympiques de Rio en août 2016, l'équitation a gagné deux médailles d'or, l'une en concours complet (réservé aux militaires jusqu'en 1952 et composé de dressage, cross et saut d'obstacles) grâce à Entebbe de Hus, Bart L, Piaf de B'Neville et Quing du Briot * et l'autre en saut d'obstacles grâce à Sydney Une Prince, Flora de Mariposa, Rêveur de Hurtebise et Rahotep de Toscane **.
Dans l'une ou l'autre épreuve, l'athlète c'est évidemment le cheval qui fournit l'effort physique suite à un long et patient entraînement et qui au final réalise la performance. Pourtant, d'une manière générale les médias ont injustement célébré les seuls cavaliers tandis que leurs montures réifiées n'auraient été que de simples instruments à l'image du javelot, du poids ou du vélo.
Dans les courses de galop (ou de trot), c'est le cheval qui gagne pendant que le jockey pointe son derrière blanc immaculé. Et le parieur mise sur des chevaux et non pas sur des cavaliers. En saut d'obstacles, c'est aussi le cheval qui réalise l'exploit physique pendant que son cavalier pointe aussi son derrière blanc de façon ostensible.
Dans l'épreuve de dressage du concours complet, le cheval subit en outre la contrainte posturale de l'hyperflexion de l'encolure pour satisfaire au nom de l'esthétisme les lubies d'un jury rétrograde. Déjà dans les années 1870 la romancière Anna Sewell dénonçait dans "Black Beauty" (1) les méfaits de cette posture en hippocampe dont le seul but est de satisfaire l'orgueil et la vanité (la sottise ?) du "propriétaire" de l'équidé. Des études scientifiques menées en 2012 ont montré que la "position d'hyperflexion entraîne un fonctionnement de l'encolure à l'opposé de son fonctionnement normal, des signes d'inconforts et une augmentation physiologique des paramètres associés au stress" (2). D'une part, il fallait une bonne dose de mauvaise foi pour feindre de croire que la contrainte était indolore pour le cheval et d'autre part, nonobstant la preuve scientifique fournie par ces études le monde du cheval continue de faire souffrir inutilement les chevaux.
Alors que le mammifère équin se démène généreusement pour satisfaire les lubies de son cavalier, l'homme n'arrive pas au jarret de son cheval en matière de noblesse, d'élégance et de beauté de la silhouette malgré ses habits de marque, son cheval pomponné, sa pose aristocratique et son ego bouffi de mammifère humain. L'épreuve de dressage est une survivance anachronique des temps anciens où pour occuper leur temps libre les militaires faisaient faire les marionnettes à leurs chevaux comme eux aussi devaient hélas faire les marionnettes dans la cour de la caserne sous les ordres humiliants de leurs supérieurs. Mais si courir et sauter sont des activités naturelles du cheval, faire la marionnette militaire pour essayer de rendre intéressant le cavalier vaniteux prenant la pose sur son dos l'est beaucoup moins.
Finalement, les cavaliers avec la complicité de l'Etat impatient de compter ses médailles dans la compétition entre nations n'ont pas su mettre en valeur le mammifère comme eux qui a assuré leur gloire grâce à sa coopération, son travail et son dévouement. Envahis par leur orgueil spéciste et leur intérêt matériel, ils ont oublié leurs chevaux à qui ils doivent pourtant leur gloire et leur bonheur. Les cavaliers et l'Etat ont usurpé le mérite sportif des chevaux. Face à cette injustice commise par une personne morale et une personne physique, la personne animale ne pouvait certes pas faire grand chose.
Mais chacun doit bien voir que le revers de la médaille n'est pas très glorieux pour l'homme : des animaux égorgés au nom de la sélection parce qu'ils ne sont pas assez performants, des animaux malmenés pour ressembler à des hippocampes grâce à l'hyperflexion de l'encolure, des personnes animales réifiées pour glorifier leurs cavaliers et leurs propriétaires avides de retombées financières.
En reconnaissance de la médaille d'or généreusement offerte par leurs montures, les cavaliers n'ont pas eu la noblesse de réclamer pour celles-ci à cette occasion fortement médiatisée la fin de l'abattoir pour les équidés et l'interdiction de l'hyperflexion de l'encolure dans les concours de dressage notamment.
Elle est encore longue la route de l'humanité pour mettre fin à son arrogance spéciste et mortifère aussi injuste que dégradante.
*montés respectivement par Karim Florent Laghouag, Mathieu Lemoine, Astier Nicolas, Thibaut Vallette.
** montés respectivement par Roger-Yves Bost, Pénélope Leprevost, Kevin Staut et Philippe Rozier.
(1) Anna Sewell, Black Beauty, Gallimard 1997, p.121
(2) Equ'idée, n°81, 2012-2013, p.40 s.
La rentrée littéraire :
instant de gloire des raconteurs d'histoires
Conformément à la tradition, le mois de septembre 2016 a connu sa "rentrée littéraire" qui comme chaque année interroge longuement sur la place privilégiée accordée par les médias aux raconteurs d'histoires. N'apparaissent-ils pas comme une variété de maîtres à penser de la tradition écrite qui à travers contes, légendes, nouvelles, romans… couchent sur le papier les rêveries niaises et insipides ou poétiques et inspirées qui au fil de la journée leur passent par l'esprit, avec une maitrise plus ou moins consommée de la langue et de ses subtilités lexicales et grammaticales ?
Les raconteurs d'histoires ont toujours joui d'une certaine aura dans les sociétés que ce soit dans les traditions orales pour réciter des généalogies assez souvent mythiques ou pour improviser des histoires aux enfants, en général afin de les jeter dans les griffes de la peur et de la soumission à l'autorité, ou que ce soit dans les traditions écrites dans lesquelles historiquement le prestige de celui qui sait lire et écrire donne de la crédibilité au récit et donc un terrible ascendant sur les illettrés.
Nous n'avons plus les noms des raconteurs d'histoires qui ont rédigé les livres des trois grandes religions monothéistes et qu'ultérieurement des escrocs ont rendu célèbres au-delà de toute espérance grâce à un mélange d'ascendance sur les esprits et de violence physique sur les pauvres gens. Les mythologies religieuses avec leur lot d'anthropocentrisme dominateur et violent font partie des plus grands succès de librairie, certes grâce à une clientèle captive et asservie, et en cherchant à se couler dans ce moule les Harry Potter et autre Seigneur des anneaux les talonneront grâce à un système médiatique omniprésent et complice.
Tout comme le mensonge est la base de l'entreprise des escrocs, raconter des histoires est un fondement du pouvoir notamment par les affabulations valorisantes du récit national et par la fable de la démocratie représentative. Et dans la multiplication des récits chacun pourra y trouver de quoi le satisfaire. Elle permet à de nombreux écrivains d'apaiser leur souffrance existentielle et de flatter leur ego, aux éditeurs de faire prospérer leur entreprise, aux lecteurs de se divertir, aux journalistes d'ajuster leurs critiques en fonction de nombreux paramètres parfois assez éloignés de la littérature et aux politiques de raffermir leur pouvoir basé aussi sur des histoires. Face à cette conjonction d'intérêts, les raconteurs d'histoires ont à coup sûr un bel avenir devant eux.
Certes, il y a le côté parfois grandiose de la littérature par le plaisir immense qu'elle peut procurer aux lecteurs en quête de divertissement. La reconnaissance pour ce plaisir rejaillit naturellement sur les écrivains mais les musiciens, les cuisiniers, les danseuses de Baratha Nathyam… peuvent aussi illuminer une vie sans que ces derniers bénéficient d'une telle aura dans la société.
Par ailleurs, qui ne sera surpris par les querelles à n'en plus finir entre spécialistes de la littérature, en général payés par les contribuables, sur la psychologie de tel ou tel personnage de roman qui n'existe que dans le cerveau torturé d'un écrivain alors que ces mêmes spécialistes ne se poseront aucune question sur la psychologie bien réelle du mammifère pas du tout fictif dont un morceau de cadavre trône dans leur assiette.
Chercher à savoir si le Petit Chaperon rouge avait envie de faire pipi juste avant que le loup ne le mange ou si Hermione avait besoin de sa baguette magique pour parvenir à faire bander Harry Potter aurait sans doute bien fait rire Perrault et Rowling. Certes, le lecteur est libre de se poser toutes les questions qui lui passent par l'esprit mais les professionnels de la littérature seraient peut être mieux utilisés à apprendre aux enfants à lire et bien écrire, par exemple en recourant à l'immense talent littéraire de Hugo, Mauriac ou Voltaire.
Il est certain qu'avec un bon bagage universitaire ces fonctionnaires maternés à vie dans le statut de la fonction publique pourront en outre faire mousser à loisir une analyse économique, historique, psychanalytique, sociologique… des romans qui dégénèrera vite en jongleries verbeuses destinées d'abord à remplir le contrat professionnel, ensuite à flatter l'entre-soi intellectuel et au final à impressionner la boulangère.
La rentrée littéraire permet d'assister au spectacle de la dérision qui sans la vanité des auteurs, l'intérêt économique des éditeurs et l'intérêt politique inavouable des gouvernants pour tout ce qui anesthésie les citoyens apparaitrait vite pour ce qu'il est, c'est à dire une manœuvre d'infantilisation des citoyens pour mieux les dominer. Ces derniers doivent en permanence rester dans un savant mélange de fiction et de réalité pour surtout ne pas voir toute la réalité notamment celle de la confiscation totale de leur pouvoir souverain.
Tant que l'intérêt des citoyens sera capté par des histoires banales de couples fictifs, les gouvernants pourront tranquillement jouir des délices du trône. Dans cette dynamique politique, les raconteurs d'histoires jouent bien leur rôle social.
L'Espagne impose à la Catalogne
les spectacles de la torture et de la mise à mort des bovins
Le 20 octobre 2016 le tribunal constitutionnel espagnol saisi par le Parti populaire a annulé l'interdiction des corridas décidée sur la base d'une initiative populaire par le parlement régional de Catalogne. Le motif de cette annulation résiderait dans le fait que la corrida appartient au patrimoine culturel et serait en conséquence de la compétence de l'Etat qui ne laisserait aux autorités locales qu'une compétence de régulation.
La corrida est le spectacle lamentable qui consiste à torturer un taureau pendant un quart d'heure avant de le mettre à mort. Piques, harpons, banderilles, épées, couteaux sont utilisés par des bourreaux en habits de lumière (en fait des ténèbres) pour faire croire aux pauvres gens abusés que leur sinistre besogne est un art fait d'adresse et de courage. Or le matador affronte le taureau qu'après qu'il ait été lâchement et gravement blessé avec des piques et des harpons ce qui réduit considérablement le risque mortel pour le fanfaron déguisé en héros prenant alors la pose pour achever le taureau*. Que tous les criminels de la terre se déguisent et prennent la pose pour accomplir leur sinistre besogne dans une mise en scène festive, cela ne transformera pas pour autant leur crime en art inséparable du patrimoine culturel de l'humanité.
Un tribunal espagnol impose donc la barbarie à la Catalogne au nom d'arguties juridiques aux conséquences criminelles. Incidemment, chacun remarquera combien la notion même de Cour constitutionnelle peut remettre en cause la théorie pourtant déjà fragile de la démocratie représentative. Qu'une poignée de juges puisse annuler les décisions de la représentation des citoyens n'est pas très en cohérence avec cette théorie, sauf pour les juges à s'en tenir à un examen strict de conformité de la norme inférieure claire à la norme supérieure tout aussi claire sans jamais créer des normes nouvelles ou choisir librement l'interprétation possible la plus favorable à quelques intérêts particuliers.
En France, le Conseil constitutionnel a eu à se prononcer en 2012 sur le problème de la corrida suite à une question prioritaire de constitutionnalité (DC 2012-271 QPC). Le droit français interdit les actes de cruauté envers les animaux (Code pénal article 521-1). Mais le même article précise aussitôt que ces dispositions ne s'appliquent pas "aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée" (id. pour les combats de coqs). Le Conseil était sollicité pour déclarer inconstitutionnelle cette dérogation, ce qu'il a refusé de faire alors qu'il n'y avait aucune contrainte dans l'ordre juridique empêchant la décision inverse.
En conséquence, les actes de cruauté sont interdits sauf s'ils sont coutumiers de façon ininterrompue. Ainsi à Bayonne le tortionnaire est un héros acclamé et bien payé tandis que s'il exerce son art sadique de la torture à Lille ou à Paris il encourt une peine de 30 000 euros d'amende et deux ans d'emprisonnement. Quel esprit sain peut déclarer un tortionnaire artiste dans une ville mais sinistre délinquant dans une autre ?
Dans tous les cas, les décisions des Cours constitutionnelles souvent composées de membres nommés (en France, 3 membres nommés par le Président de la République, 3 par le Président du Sénat et 3 par le Président de l'Assemblée nationale) devraient pouvoir être renversées par des référendums d'initiative populaire dans lesquels le poids des lobbys serait naturellement fortement diminué.
Il appartient aux citoyens de chaque pays de décider par voie référendaire après une information honnête et un large débat public si l'horrible torture infligée aux bovins pour distraire quelques inconscients lassés de regarder des sottises à la télévision est légale ou non. Rien n'interdit de penser que les citoyens biens informés témoigneraient de plus de bon sens et de dignité humaine que les juges ou les élus.
* Jean-Claude Nouët, Les douleurs du taureau dans l'arène, in Droit animal, éthique et science, octobre 2013, n°79 p.15, sur le site www.fondation-droit-animal.org
L'américanophilie infantile
L'élection présidentielle de novembre 2016 aux USA a donné lieu en France à une couverture médiatique de grande ampleur liée en partie à l'accès probable et souhaitable selon les médias français d'une femme à la tête de l'Etat américain. Même si cela ne s'est jamais produit aux USA, l'accès d'une femme à la tête d'un Etat est pourtant d'une grande banalité à l'échelle du monde y compris dans les plus grands Etats à population musulmane dont l'Indonésie (Megawati Sukarnoputri 2001-2004), le Pakistan (Benazir Butho 88-90, 93-96), le Bangladesh (Khaleda Zia 91-96, 2001-2006, Sheikh Hasina 96-2001, 2009…), la Turquie (Tansu Ciller 93-96), et puis l'Inde, Etat à majorité hindoue, (Indira Gandhi 66-77, 80-84) et l'Etat juif, Israël (Golda Meir 69-74).
Il se trouve que comme dans de nombreux Etats, les électrices américaines n'ont pas voté très massivement en faveur de la femme investie par le parti démocrate et ont ainsi conduit sa candidature à l'échec. Selon la presse française toujours avide d'informations relatives aux Américains, cet échec aurait beaucoup fait pleurer Lady Gaga ce qui a sans doute bien attristé tous les dévots de l'Amérique…
Une grande partie des médias français est fascinée par les Etats-Unis tandis que la majorité de la population semble beaucoup plus indifférente, ce qui se traduit par exemple par le faible choix des USA par les touristes français, ceux-ci préférant découvrir d'autres contrées. La place réservée aux USA par les médias français est telle que l'auditeur des informations journalières peut avoir parfois l'impression que la France est une province des Etats-Unis. Une profusion d'études sur le moral des ménages américains ou de faits divers plus ou moins reluisants est rapportée comme si la vie dans ce pays était plus digne d'intérêt que la vie en Chine, en Russie, en Inde… Il est vrai que les journalistes ne parlent ni le mandarin, ni le russe, ni l'hindi…
L'usage outrancier et parfois ridicule de l'anglo-américain par les journalistes français dans des mots ou des expressions dont des équivalents explicites existent dans la langue française brouille considérablement la compréhension du message par la grande majorité de la population ne maîtrisant pas l'anglais. Heureusement que de son côté, la boulangère peu soucieuse de se rendre intéressante et ne cherchant pas à impressionner ses clients n'a pas eu le mauvais goût d'afficher sur sa devanture : "Le Baguetting, le pain à la French Touch".
Chacun devine bien que le but des journalistes est de chercher à se rendre intéressants auprès du public comme les religieux ou l'élite intellectuelle cherchaient à impressionner les pauvres gens par l'usage du latin et du grec. Il y a toujours quelque chose que les dominés ne devraient pas comprendre laissant ainsi le soin à ceux qui "comprennent" de décider pour la multitude. Cette mystification vise seulement à infantiliser pour mieux dominer et à tenter de préserver la domination par une minorité de la majorité des citoyens. Cette minorité manifeste en effet de plus en plus d'inquiétude face à ce qu'elle appelle dédaigneusement "populisme" par opposition sans doute à son "élitisme" tant valorisé par elle-même, et qui correspond en réalité à une prise de conscience par les dominés que la représentation dans la démocratie dite "représentative" n'est qu'une fable.
La fascination par l'Amérique interroge aussi longuement sur ses ressorts alors que ce pays repose sur le profond malaise né du génocide des amérindiens et de l'esclavage des afro-américains. Son soi-disant modèle de constitution a permis ces deux crimes horribles ainsi que la discrimination légale des minorités jusqu'au milieu des années 1960 et la torture jusqu'à nos jours. De plus, ce pays ne pourrait même pas adhérer à l'Union européenne car n'en partageant pas les valeurs (peine de mort non abolie au niveau fédéral).
Pourtant, les spécialistes des sciences que ce soit en médecine, économie, sociologie, psychologie, politique, zoologie, nutrition… appuieront grandement leurs discours sur des études réalisées aux USA ce qui à leur yeux apporterait du crédit à leurs démonstrations. Mais que font les autres pays en matière de recherche dans ces domaines ? Et que font les spécialistes français qui trouvent sans doute plus facile de s'en remettre aux travaux des Américains ?
Enfin, à l'initiative des médias accordant une large place aux faits et gestes des Américains, les Français ne cessent de les singer que ce soit pour les radios, les télévisions, les entreprises, la publicité, les vêtements, la drogue, l'obésité, les bruitages électroniques baptisés "musiques", les contorsions corporelles baptisées "danses" ou les loisirs. Finalement, l'humoriste a bien raison, hélas, de railler l'américanophilie infantile par cette prédiction fort imagée : le jour où les Américains se mettront une fleur dans le derrière, la France fleurira.
Italie : du mauvais usage du référendum
Le 4 décembre 2016 les Italiens ont refusé par référendum le projet de modification de la constitution proposé par le premier ministre Matteo Renzi. Le "Non" l'a emporté avec 59,11% des suffrages exprimés face au "Oui" qui n'obtient que 40,89% des suffrages exprimés. Le taux d'abstention est de 34,53% des inscrits.
Il s'agissait d'approuver une loi constitutionnelle adoptée par le parlement à la majorité absolue des membres composant les deux chambres. Faute de majorité qualifiée des deux tiers, la procédure référendaire s'est imposée.
Ce projet de loi prévoyait notamment la suppression du Conseil National de l'Economie et du Travail, la suppression de 215 postes de sénateur élus au suffrage universel direct, l'élection des 100 titulaires restants par les conseils régionaux et les maires, parmi leurs membres. Ceci permettait à ces élus locaux de cumuler les fonctions et de jouir de l'immunité offerte aux parlementaires. Par ailleurs, le sénat perdait aussi sa capacité de renverser le gouvernement.
Mais d'un côté, si ce référendum permettait de réduire considérablement le nombre de prébendiers de la République, il permettait d'un autre côté de se débarrasser du premier ministre qui avait mis son fauteuil en jeu ajoutant ainsi implicitement une question supplémentaire à cette réforme constitutionnelle.
Pour l'essentiel, les Italiens avaient donc à répondre à trois questions fondamentales : "Voulez-vous supprimer le CNEL ?" , "Voulez-vous supprimer 200 postes de sénateurs en laissant moins de pouvoirs aux 100 restants ?" et "Voulez-vous congédier le premier ministre ?"
Tout d'abord, il convient de souligner que contrairement à une information souvent biaisée, il ne s'agissait pas de supprimer le sénat mais de modifier son rôle et sa composition. En faisant élire ses membres au suffrage universel indirect et en le confinant dans un rôle secondaire par rapport à la chambre des députés, le projet rapprochait le sénat italien du sénat français. Or il n'est point de plus mauvais modèle en terme de coût et d'inutilité. La suppression de ce genre de sénat est un impératif démocratique.
Le CNEL est de même comparé au Conseil Economique, Social et Environnemental français, lui aussi peu démocratique, coûteux et inutile, et dont la suppression s'impose d'urgence.
Finalement, personne ne sait vraiment si les Italiens ont voulu continuer à financer laborieusement par leurs impôts les rentes confortables de leurs élus ou s'ils ont seulement voulu se débarrasser d'un premier ministre, puisqu'ils qu'ils ne disposaient par ailleurs d'aucun autre moyen pour le congédier.
C'est la raison pour laquelle les citoyens doivent disposer en démocratie d'un droit de révocation de leurs élus par le biais d'une initiative populaire ce qui permet de ne pas mélanger les procédures de l'approbation d'un texte et de la confiance aux dirigeants.
Par ailleurs, les référendums devraient disposer comme en Suisse pour les référendums d'initiative populaire du principe de l'unité de la matière, c'est-à-dire que les citoyens ne peuvent être tenus de répondre à plusieurs questions simultanées par une seule réponse.
Certes, lorsqu'il s'agit de l'approbation d'une constitution entière, il ne saurait être question de répondre par autant de réponses que de sujets inclus dans le texte constitutionnel. Il suffit que les citoyens disposent par ailleurs d'un droit d'initiative référendaire en matière constitutionnelle pour éventuellement conduire à la suppression ou la modification d'une disposition constitutionnelle qui ne leur convient pas.
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