Actualité mensuelle / 2014




 

(octobre à décembre 2014)

 

Les talibans de la laïcité

 

  Le 3 octobre 2014 à l'Opéra Bastille, des choristes ont menacé de ne pas poursuivre la représentation de la Traviata à cause de la présence d'une spectatrice voilée parmi le public (Le Monde, 22/10/14). Il fallait vraiment que ces choristes se sentent submergés par un profond rejet de l'islam pour qu'à la seule vue d'une spectatrice musulmane voilée parmi l'assistance, ils se trouvent soudain dans l'incapacité de chanter.

  Certes, la loi du 31 octobre 2010 interdit la dissimulation du visage dans l'espace public mais d'une part, il appartenait aux agents contrôleurs des billets de ne pas laisser entrer en l'état cette femme et d'autre part, il n'appartient pas aux citoyens de s'ériger en justicier de l'ordre social, surtout sur une seule question de principe. Si c'était seulement la violation de la loi qui hérissait ces choristes, sont-ils par exemple soudain incapables de conduire lorsqu'ils voient des automobilistes dépasser la vitesse autorisée (et ils sont très nombreux…) ?

  La tolérance et la bienveillance élémentaires auraient voulu qu'une humiliation tout à fait inutile soit épargnée à cette femme et à son compagnon et qu'on les laisse apprécier un chef d'œuvre de l'opéra italien. Ni la sécurité ni la laïcité n'y auraient perdu quoi que ce soit tandis que l'image de la France y aurait beaucoup gagné.

  

Halte à l'antisémitisme

 

  Dominique Reynié a publié en novembre 2014 une étude intitulée "L'antisémitisme dans l'opinion publique française, Nouveaux éclairages" (Fondapol.org). De nombreux médias en ont rendu compte en soulignant surtout que les sympathisants du Front national étaient beaucoup plus nombreux que les sympathisants des autres partis à considérer que les juifs "sont trop nombreux en France" (37%).

  Cela fait plus de trente ans que les médias informent que le Front national est plutôt un parti antisémite. Cette étude n'apporte donc rien de bien nouveau pour le lecteur.

  Par contre, l'étude souligne de façon surprenante que "lorsqu'il s'agit de savoir si les juifs “sont trop nombreux en France", ceux qui répondent par l'affirmative se trouvent, à l'inverse, davantage chez les sympathisants des partis de gauche que chez les sympathisants des partis de droite, à condition de laisser de côté les sympathisants du Front national" (p.35).

  Apprendre qu'il y a aussi 24% des sympathisants du Front de gauche, 8% des sympathisants du Parti socialiste et 19% des sympathisants de Europe Ecologie Les Verts qui estiment que les Juifs sont trop nombreux en France est vraiment désespérant pour tous ceux qui luttent au quotidien contre les préjugés antisémites.

  Le problème de la lutte contre l'antisémitisme n'est pas de montrer qu'il sévit moins chez ses amis politiques que chez ses adversaires politiques. Que l'antisémitisme soit de droite ou de gauche, il est dans tous les cas aussi odieux et intolérable. Il appartient à chaque organisation politique de balayer devant sa porte avant de pointer les concurrents du doigt (parmi les sympathisants, 13% de l'UMP, 5% de l'UDI et 9% du Modem estiment aussi que les Juifs sont trop nombreux en France).

  L'antisémitisme n'est pas à combattre parce qu'il serait largement partagé dans la mouvance du Front national. Il est à combattre parce qu'il est intrinsèquement abject et constitue une offense à une communauté humaine.

 

Curie romaine : l'oubli d'une maladie grave

 

  Le 22 décembre 2014, la pape François, chef de l'Etat du Vatican, a eu l'occasion lors d'une cérémonie d'échange de vœux de souligner de façon courageuse et constructive les 15 maux dont souffre sa cour, c'est-à-dire la curie romaine (news.va/fr,  traduction Zenit, Anita Bourdin). Faut-il rappeler que son prédécesseur a préféré démissionner ?

  A la différence de nombreux chefs d'Etat ou de gouvernement qui ont la liberté de faire place nette en arrivant aux affaires, le chef du Vatican doit plus ou moins s'accommoder des personnes en place dans le gouvernement de l'Eglise, sauf quelques changements à la marge. Cela n'est pas sans rappeler le cas des entreprises privées dans lesquelles le nouveau dirigeant doit aussi s'accommoder des ressources humaines disponibles, pour le meilleur et pour le pire.

  Le pape souligne comme 7e mal rongeant la curie romaine, la "maladie de la rivalité et de la vaine gloire" pour satisfaire les ambitions personnelles. Rien n'interdit de penser que d'une manière générale dans le monde entier, la cour est souvent beaucoup plus redoutable que le tyran. Sans les courtisans, le tyran serait quasi impuissant. Les cours et leurs coteries (14e mal "la maladie des cercles fermés") relèvent en général du marigot dans lequel des crocodiles ambitieux et prêts à tout pour satisfaire leurs ambitions cherchent à gagner les faveurs du prince (10e mal : "la maladie de diviniser les chefs") et succombent souvent au 5e mal souligné par François : quand la main veut commander à la tête… Que de méfaits de la cour seront ainsi mis sur le dos du prince !

  Mais hélas, dans son inventaire fouillé le pape a oublié un 16e mal rongeant depuis si longtemps la curie romaine : l'exclusion des femmes. En général, la présence des femmes permet à l'homme de grandir et celle-ci guérirait sans doute la curie du 12e mal souligné par le pape à savoir "la maladie du visage funèbre". La présence des femmes pourrait égayer les visages car chacun sait bien que les sociétés où les mâles restent dans l'entre-soi sont plutôt envahies par la tristesse, d'où leur recours fréquent à l'alcool.

  Et chacun se demandera comment une institution qui exclut la moitié de l'humanité de ses instances dirigeantes peut se permettre de donner des leçons de morale au monde entier, qui lui n'est pas du tout séparé des femmes. Le pape François a encore fort à faire pour moderniser l'Eglise catholique. Les féministes françaises pourraient utilement lui rappeler qu'aujourd'hui sans le libre accès des femmes à tous les niveaux de la société, il n'y a point de salut.



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